Le chien qui
provoque des « destructions », aboie ou souille la maison de ses
déjections quand vous tournez les talons, ne se « venge »
pas !
Cette première croyance (du chien qui ainsi se vengerait) n’est qu’une
interprétation humaine et erronée, qui voile notre ignorance de la
spécificité de l’animal.
Mais alors qu’est-ce qu’il a à "détruire" ainsi ? me demande Alex propriétaire
de « Tarzan » son jeune dogue argentin.
Le molosse exprime simplement la détresse qu’il ressent quand il se retrouve
seul sans son propriétaire. Inquiet,
il essaie (maladroitement!) de se libérer de sa tension intérieure en la
redirigeant dans des actions de secouement, mâchouillement ou grattage de ce qui
est à sa portée (provoquant, il faut bien le dire, quelques dommages
collatéraux!).
Malheureusement cela ne lui apporte pas l’apaisement recherché, puisque seule la
présence de son propriétaire le sécurise vraiment.
En écoutant Alex me faire le long récit des divers méfaits de son compagnon, je
me représentais très bien Tarzan, déjà inquiet dès qu'Alex enfile son veston,
prépare son porte-document, cherche ses clés pour s’apprêter à sortir. Je
l’imaginais entendant Alex lui « expliquer » en mots qu’il ne comprenait pas !
qu’il fallait bien « que papa aille travailler, et qu’il attendait de son chien
qu’il soit bien sage ! »
Tarzan resté seul se mettait à tourner, courir à la fenêtre, gémir quand ça
n’était pas hurler, chercher partout les traces de son propriétaire comme pour
le faire être présent, trouver son odeur sur les coussins et les accoudoirs du
canapé, les chaussons oubliés là, le tee-shirt accroché à la patère, le livre
qu’il lisait hier soir.
Le molosse se saisissait alors tour à tour de l’un ou de l’autre de ces objets
pour les mordiller, dans une vaine tentative d’y trouver un apaisement à sa
détresse.
Désemparé parce que trop dépendant
La grande dépendance (appelée couramment "hyper attachement" ) c'est-à-dire une
dépendance intense à une seule personne dans sa famille, est à la base de
désarroi chez l’animal quand cette personne s’absente, mais pas seulement.
Scratch le doberman vivait les choses un peu différemment, il semblait animé de
grande frustration à voir s'absenter ses propriétaires dont il avait d'ordinaire
l'attention et la disponibilité, quand ceux-ci étaient présents à la maison !
Quand (rarement !) Ingrid et Grégoire sortaient sans lui, ils se comportaient,
en fait, en propriétaires indépendants et donc en toute contradiction
(pour Scratch) avec la plupart de leurs comportements habituellement
attentionnés et disponibles vis-à-vis de leur chien.
Du coup, Scratch animé de vives tensions se distinguait en sauts et grattages
sur la porte de sortie (d'où des dommages tout autour aussi), en aboiements
intempestifs et même souvent en déjections disposées toujours bien en
évidence ...
Pas davantage motivés par l’esprit de vengeance que ceux Tarzan, tous les
comportements de Scratch n'étaient qu'expressions des tensions vécues qui (au
passage!) lui en permettaient la décharge (par la motricité, la communication
par vocalisations et dépôts urinaires et fécaux)
Dans le cas de Toupie, la bull terrier de Joseph et Pascale, c’est à la suite de
leur déménagement qu’elle s’était mise à aboyer, dégrader et souiller la maison
de ses déjections éparses, puis ensuite à creuser dans le jardin chaque fois que
ses propriétaires tournaient les talons.
Là aussi c’est sa détresse que Toupie exprimait, devant une perte de ses
anciens repères de vie ; insécurité intérieure qui peut aussi être ressentie par
certains chiens, lors des retours de vacances ou de perte d’un être cher de sa
famille, par décès ou divorce par exemple.
Un(e) Caniconsultant(e) pourra identifier avec
précision ce qui motive ces différentes expressions de la détresse d’un chien.
Dégradations, aboiements, éliminations dites "malpropretés", mais aussi
agitations, activités autocentrées (grattages, léchages parfois jusqu’à
mutilation), comportement alimentaire déréglé, etc.… la liste n’est pas
exhaustive.
Non ! ça n’est pas parce
qu’il prend cet air penaud, presque rampant la tête et la queue basse,
qu’il « sait qu’il a mal fait » !
Chez leurs propriétaires respectifs, les trois molosses avaient
chacun souffert de cette seconde croyance qui accompagne la
première.
Encore chiot, Tarzan avait déjà commencé à exprimer son inquiétude quand
Alex s’absentait. Il se saisissait d’un objet ou d’un vêtement, le
gardait avec lui sur son tapis, mais sans vraiment l’abîmer.
Constatant ces premières « bêtises » en rentrant chez lui, Alex bien
fâché y avait réagi en grondant son petit molosse, récupérant ses
affaires sur lesquelles le chiot sans comprendre, mi-confiant mi-inquiet
venait se rouler et se mettre sur le dos en posture dite "de
soumission", pour tenter d’apaiser le soudain courroux de son
propriétaire.
Tarzan n’étant pas en mesure d’associer la brusque colère d’Alex au fait qu’il
avait dans la journée, transporté et mâchonné tel objet sur son tapis, ne
comprenait pas ce qui motivait cette conduite, et se mit petit à petit à
craindre chaque réapparition d'Alex.
lI venait dorénavant l’accueillir à la fois excité de le retrouver enfin, mais
les oreilles basses, tour à tour en sautillant puis s’aplatissant, s’attendant à
cette colère incompréhensible et maintenant habituelle, à chacun de ses
retours.
L’escalade des incompréhensions mutuelles avait commencé : Tarzan gémissait
longuement dans ses moments de solitude (selon les dires du voisinage) et
cherchait de plus en plus désespérément à trouver un apaisement, en s’emparant
d’objets divers qu’il allait maintenant jusqu’à déchiqueter (cet exercice
musculaire de sa mâchoire lui permettant d'évacuer ses tensions).
Se sentant de moins en moins rassuré par ce propriétaire imprévisible, le
molosse était maintenant couché sur son tapis quand Alex rentrait, la tête et
les oreilles basses avec juste quelques timides battements du bout de la queue.
Cette attitude craintive et dite "de soumission" disait bien "caninement" sa
désorientation intérieure et son souhait de ne pas entrer en conflit avec Alex,
mais ce dernier l’interprétait humainement, comme l’attitude penaude d’un enfant
qui venait d’être pris en faute.
Excédé par les plaintes des voisins, comme par les dégradations toujours
renouvelées, Alex entrait en fureur, s’agitait et réparait les dégâts, se
retenait (il ne sait comment !) de frapper ce maudit molosse qui pourtant
« savait si bien qu’il était coupable » !! Il le punissait en l’isolant sur le
balcon !
Après une bonne douche et une balade avec son chien, Alex enfin retrouvait son
calme et sa bonne humeur… Tarzan lui, redevenait un peu confiant… Jusqu’au
lendemain seulement.
Pour Scratch, son histoire avait été tout autre.
En grandissant, petit à petit il avait pris l’habitude de gérer bien des choses
dans son quotidien. Il gesticulait devant la porte pour obtenir de sortir,
aboyait pour avoir de la nourriture à table, ou pour que cesse une trop longue
conversation téléphonique, ou une de ces discussions à n’en plus finir de son
propriétaire avec le voisin.
Il sollicitait continuellement Ingrid, Grégoire et les enfants
pour recevoir attention, caresses, jeux, etc...
Bref, il menait son petit groupe familial par le bout du nez ; alors la première
fois qu’il a vu sortir tout ce petit monde là sans lui, il n’était soudain plus
certain d’avoir la place de celui qui a la disponibilité des siens (place qu’on
lui laissait pourtant occuper d’habitude).
Scratch était frustré par leurs inconstances et les aboiements, urine et
défécations étaient là pour dire son malaise dans ce relationnel changeant.
A leur retour, Ingrid et Grégoire ont commencé à se mettre en colère en
entrant dans la maison, alors que Scratch les avait bien entendus arriver
d’humeur joyeuse en bas dans le garage. Lui qui était tout content de les
revoir, est traité de « vilain chien » !? bousculé, repoussé sans ménagement,
surpris par cette vague soudaine de colère, il court se blottir sur le canapé !
Ce que ses propriétaires ne savent pas, c’est que leur chien n’a pas un cerveau
(comme les humains) qui lui permette d’associer leur irritation présente à ses
propres comportements d’il y a quelques minutes ou quelques heures.
Il n’a pas commis de « bêtises » il a juste communiqué son désarroi en urinant
sur le meuble de l’entrée, et déféquant bien en vue sur le fauteuil (urination
et défécation étant mode de communication des chiens entre eux).
Mais voilà, personne n’a compris « le message » et l’a au contraire interprété
de manière erronée en pensant : « il s’est vengé ! »
Alors quand Scratch s’est à nouveau retrouvé seul, il a renouvelé sa
communication aboyeuse (et les voisins ont commencé à s’en plaindre !) et à
semer ses déjections, à gratter la porte de sortie…
Avec une fureur grandissante Ingrid et Grégoire découvraient de plus en plus de
dégâts après chaque absence. Comme Scratch maintenant les accueillait assis dans
un coin les oreilles basses, ils ont continué d’interpréter faussement sa
nouvelle attitude de retrait inquiet par : « il sait qu’il a mal fait ! »
C’est avec une confusion grandissante que Scratch voyait maintenant revenir ses
propriétaires, apeuré par leurs cris et gesticulations incompréhensibles pour
lui, et prêt à grogner si on venait à trop l'approcher.
La communication était coupée, chacun ne sachant plus faire confiance à l’autre.
Dans ces exemples, c’est la nature du lien qui l’attache à son propriétaire qui
est génératrice d’inquiétude pour le chien. Non perçues pour ce qu’elles
sont, les manifestations comportementales de son désarroi sont suivies de
réponses maladroites des propriétaires, qui ne font qu’ajouter à la confusion de
l’animal. C’est dans une recherche éperdue pour s’adapter qu’il en vient à
produire des comportements de plus en plus désordonnés. Quand tout cela est
compris, il devient évident qu’il y a nécessité de réorganiser les relation avec
l'animal, afin que celui-ci retrouve l’apaisement.
Les propriétaires de Tarzan, Scratch et Toupie n’avaient pas exactement le même
travail à faire pour retrouver chacun un molosse paisible et l’harmonie de leur
relation. Mais c’est en passant d’abord par la compréhension du désarroi de leur
compagnon, qu’ils ont pu ensuite s’impliquer dans les changements relationnels
qu’il y avait lieu d’instaurer.
Comprendre l’autre signifie entrer dans ses raisons, admettre ses motivations.
C’est une démarche de curiosité guidée par le respect de l’animal, qui mène à
une communication plus vraie dans une authentique rencontre avec lui.
C’est en cessant d’attribuer à leur compagnon des sentiments et des pensées
comme pourrait en avoir un être humain à leur place que les propriétaires des 3
molosses avaient déjà fait un grand pas.
En changeant nombre de ses comportements, Alex a dû montrer patience, indulgence
et constance, pour que Tarzan découvre l’autonomie qui lui a permis de savoir
mieux rester seul sans stress.
En modifiant également nombre de leurs propres conduites, Ingrid et Grégoire ont
dû déployer aussi beaucoup de patience, de rigueur et de constance pour ne plus
offrir leur disponibilité aux moindres demandes d'attention de Scratch, qui a
fini par trouver la tranquillité intérieure.
Quant à Toupie
la bull terrier,
elle a réussi à se faire de nouveaux repères tranquillisants dans sa nouvelle
maison. Ses propriétaires pleins de compassion pour elle et travaillant à
répondre enfin de manière appropriée à ses inquiétudes, l’ont rendue plus
tolérante à leurs divers changements de rythme de vie.
Danièle Mirat - Caniconsultante
Lettre
ouverte à tous ceux dont le chien dégrade ou salit dans
l'habitat ou
bien encore aboie... ou tout cela à la fois... !
Voir aussi:
J'aboie! à
l'aide, je me sens seul...
Le collier
anti aboiement: ce que j'en pense...
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