Cohabiter avec un animal est un
choix très personnel
Partager le
quotidien avec un animal, et commencer par l’accueillir dans de
mutuelles bonnes conditions, c’est se représenter à l’avance les
futurs échanges et mûrir ce projet de cohabitation dans
l’anticipation des bénéfices, mais aussi des contraintes
inhérentes à une telle démarche.
En offrant un
animal à autrui, peut-être bousculera-t-on cette maturation
préalable qui ne pourra donc pas s’affiner jusqu’au bout. Mais
surtout, ne fera-t-on pas violence au milieu individuel et
intime de l’autre, en faisant arriver dans sa vie un être qu’il
n’était pas encore prêt à accueillir ?
Même si elle
comporte des aléas, la présence d’un animal est rarement vécue
comme une contrainte pour celui qui l’a désiré. A l’inverse,
pour celui qui n’a pu faire soi le désir de cohabiter avec un
animal, les moindres réalités du quotidien vont être une charge,
déclenchant des tensions mutuelles préjudiciables au bon
équilibre psycho-comportemental de l’animal, et à l’origine de
nombreuses difficultés adjacentes.
Quand on sait
l’importance du processus de construction d’un lien, il n’est
pas difficile d’imaginer tous les désagréments que peut causer
le don d’un animal à une personne. Car les défauts de lien et
d’attachement sont à l’origine de nombreuses incompréhensions,
de nervosité, d’agacement et de difficultés en somme …
Imposer maladroitement un animal
retentit sur ce dernier
Pour se
construire et faire les premiers apprentissages de la vie près
des humains, un chiot a d’abord besoin de tranquillité
émotionnelle. Il peut ainsi reporter sur son nouveau
propriétaire l’attachement qu’il avait pour sa mère et sa
fratrie, desquels il vient d’être arraché brutalement. Ayant
perdu tous ses anciens repères de vie, c’est de toute
l’attention bienveillante de personnes disponibles dont il a
surtout besoin.
Il n’y a que
l’ardent désir d’avoir un petit compagnon, de l’avoir choisi et
attendu qui le fasse accueillir avec la spontanéité, la
tendresse, la douceur et la clémence qui éveilleront son
attachement.
Et sur le socle
de ce nouveau lien, naît la confiance d’un petit animal prêt
alors à se frotter aux durs apprentissages de la vie, dans une
société humaine.
Apprentissages
que le petit animal ne peut pas faire dans l’improvisation et la
hâte, avec un nouveau propriétaire tendu, impatient et vite
fâché, débordé qu’il est par ce chiot qu’il n’attendait pas.
Incapable de s’adapter assez vite, le chiot devient rapidement
décevant, et son propriétaire de moins en moins indulgent.
Les voilà tous
deux engagés dans la spirale infernale de l’animal non désiré
qui peine à s’ajuster, et qui vient rapidement faire penser
« qu’il n’est décidément pas un cadeau ! »
Cette grande
disponibilité qu’exige un chiot est justement la qualité d’une
personne ou d’une famille qui ne s’est pas vue obligée
d’accueillir un petit être vivant, qu’elle ne peut alors
ressentir que comme une charge.
Prendre la
responsabilité d'accueillir un animal et de vivre avec lui (avec
tout ce que cela représente individuellement en terme de lien,
d’engagement et de disponibilité) ne peut idéalement se former
que dans un choix personnel.
Imposer un
animal à autrui, même sous la forme d'intentions louables, est
de la plus haute improbabilité en matière de relationnel
équilibré, jusqu'à freiner et perturber le développement
comportemental du petit animal
Offrir un chiot
doit donc se limiter à proposer clairement le cadeau que l’on
est en mesure de faire, car la surprise d’arriver avec un être
vivant risque de n’être pas l’agréable évènement que l’on
prévoyait.
Proposer,
respecter le désir, laisser le temps de la réflexion et du
mûrissement, laisser le choix au sens large et permettre de
construire le lien, c’est assurément là qu’est le véritable
cadeau à l’autre.
Aspect particulier du chiot
cadeau pour un enfant
Les enfants sont
souvent demandeurs d’un chien à la maison, mais cette
cohabitation n’est jamais sans risque.
Décider
d’accéder au désir de l’enfant ne doit donc pas se faire dans
l’approximation, la hâte d’un coup de tête ou d’un coup de cœur
pour un « chiot gros nounours » vu dans une vitrine, parce que
l’enfant trépigne et/ou réclame son cadeau depuis longtemps. Qui
plus est parfois, avec la promesse de s’en occuper lui-même !
Attention que les
priorités et intérêts d’un enfant évoluent avec l’âge et il
serait illusoire (et abusif) d’attendre de lui un pareil
engagement sur 10 à 15 ans de vie de l’animal.
En intégrant un
chiot dans une famille, les parents doivent donc prévoir
beaucoup de temps à lui consacrer personnellement, pour l’aider
à poursuivre son développement physique et psycho-comportemental.
Les
contraintes journalières de nourrir l’animal, l’éduquer, le
toiletter, le sortir plusieurs fois par jour, leur reviennent
absolument, même s’ils peuvent déléguer parfois quelques tâches
à l’enfant selon son âge, en vérifiant que le chien est bien
respecté.
L’animal
partenaire de jeux de l’enfant, avec ses limites à la tolérance,
ni « cheval à bascule » ni souffre douleur, est bien sûr aussi
sous l’entière responsabilité des parents qui ont pour devoir
premier d’apprendre à l’enfant à respecter son compagnon.
Idée cadeau à
longuement maturer donc, en veillant au bon moment pour
l’adoption de l’animal (dans une franche concertation avec les
différents membres de la cellule familiale) autant qu’au choix
effectif du petit compagnon. Pour cela, il y a lieu de
s’informer préalablement des critères à privilégier pour ce
choix, aux niveaux races et bonnes conditions d’élevage
(propices au bon équilibre du petit animal).
A noter que
l'achat en animalerie ne garantit pas l'exacte provenance des
chiots à la vente ...
En conclusion,
la présence d'un chiot dans la famille peut être bénéfique pour
les enfants et quelques petites missions bien choisies et
toujours accompagnées sont propices à ce que les bambins
développent leur autonomie. Mais adopter un chiot ne peut se
construire sur la lourde responsabilité que l'on fait peser sur
l'enfant ou le jeune ado. En lui accordant ce choix parce qu'il
prétend en assumer toutes les contraintes futures ... on aura
perdu de vue qu'à ces âges les centres d'intérêts se déplacent !
Danièle Mirat - Caniconsultante
Texte co-rédigé avec
Michel Quertainmont
- Caniconsultant - et publié dans le magazine "Chien Mag"
N° 9