Morsures : comprendre et
prévenir
Les statistiques sont formelles à ce sujet, les morsures sont le
plus souvent le fait d’un chien connu de la victime. C’est celui
de la famille, des voisins ou d’un proche, et malheureusement
les enfants sont le plus souvent touchés.
Les races catégorisées comme « inoffensives » ou « gentilles »
sont en tête des données récoltées sur les morsures, et non pas
celles dites « dangereuses ». Ce qui inviterait à repenser les
hâtives conclusions selon lesquelles il faut durcir encore la
loi sur ces catégories !
La manière dont sont vues les réactions du chien est en général
axée sur « l’agressivité » de l’animal, avec qui pourtant l’on
partage parfois plusieurs années de vie commune avant la
survenue d’un accident. S’il s’agissait d’un capital
« agressivité », on peut supposer qu’il surgisse bien avant
cette longue période de cohabitation « sans problème ». C’est
alors suite à l’accident que sont tenus par les proches des
victimes, des propos montrant à quel point la réalité canine est
mal connue, mal interprétée et/ou mal présentée : « Pourtant il
était gentil avec les enfants... », « il m’a mordu sans prévenir
et sans raison... », « je ne comprends pas, il connaissait bien
cette personne ... etc. »
Une soudaine morsure
Ce sera chaque fois une réactivité individuelle face à
une situation particulière, et rien à voir donc avec le fait
d’une race ou d’un type de chien.
La conduite agressive peut être directement liée au contexte,
ex : tel chien va réagir défensivement à une douleur, tel autre
à l’inquiétante approche (plutôt rapide ou/et bruyante) comme à
la trop grande proximité d’une personne, tel autre encore, s’il
est mis en impossibilité de fuir devant ce qui dérange ...
Mais ce peut être aussi l’aboutissement de faits en cascade, ou
somme de « petites » situations du quotidien apparemment sans
importance, et le tout à peine perceptible aux yeux des
non-avertis.
Ce sont ces situations dont on entend le plus souvent parler,
perçues comme soudaines et non annoncées. On peut y voir comme
une accumulation de tensions vécues par le chien qu’au fil du
temps il ne peut plus contenir, et qu’il libère à un moment
inattendu (qui ne connaît pas l’expression populaire de la
goutte d’eau qui fait déborder le vase ?)
Pour exemple
Balto, beauceron mâle de 3 ans, vient de passer l’hiver pendant
lequel ses promenades habituelles ont été réduites pour des
raisons de confort de ses propriétaires, qui reculent devant la
météo peu clémente. Sandrine et Marc estiment apporter à leur
animal une compensation réparatrice en le laissant accéder au
jardin à sa demande et autant qu’il le veut.
Les beaux jours arrivent et voilà que de nombreuses chiennes du
quartier ont leurs « chaleurs », ce qui rend Balto
légitimement un peu nerveux.
Le jeune couple décide d’inviter des amis pour un repas au
jardin. Sandrine et Marc un peu tendus (en fait pas encore
prêts, car retardés dans leurs préparatifs) accueillent leurs
amis avec leur jeune fils Louis, âgé de 7 ans et qui a peur de
Balto. Propriétaires eux aussi d’un chien mâle, ils sont venus
sans lui car les 2 chiens ne s’entendent pas vraiment.
« Sans raison, Balto a mordu Louis juste après leur arrivée
chez nous » diront Sandrine et Marc atterrés et dépités de cette
« agressivité » qu’ils ne s’expliquent pas.
Pourtant les tensions présentes chez Balto au moment de cette
visite sont identifiables :
-
1) une longue période pendant laquelle le jardin lui est
confié, avec ni plus ni moins l’attribution de la gestion des
entrées et sorties de cet espace
-
2) la disposition sexuelle des femelles du quartier (qui
irrite le chien)
-
3) l’intrusion soudaine de 3 personnes véhiculant les odeurs
de leur propre chien mâle (traces olfactives d’une potentielle
concurrence sexuelle)
-
4) L’enfant, qui par sa peur montre son intention de fuir
l’animal
Voilà réunis de nombreux éléments qui ne font pas de Balto un
chien méchant, mais qui concourent à une accumulation de petites
tensions favorisant cette réponse là... à ce moment là....
Prévenir c’est éviter le pire
Le plus souvent, l’animal émet des signes annonciateurs avant de
mordre. Grognements, aboiements du chien doivent toujours
alerter ses propriétaires sur l’inconfort de leur animal. Il
convient de respecter ces formes d’avertissement et de ne pas
vouloir contrer ou affronter le chien, mais d’apprendre à mieux
gérer ces situations.
Par exemple, ne pas le laisser contrôler l’accès du milieu de
vie aux visiteurs, connus ou pas. Pour cela on isole l’animal un
instant dans une pièce et l’on est soi-même à l’accueil des
personnes. Un peu plus tard, quand tout le monde est
tranquillement installé on invite son chien à partager la
rencontre. Pas d’arrivée soudaine vécue comme une intrusion par
le chien, pas d’agitation comble, rien qu’une gestion organisée
des allées et venues sur un espace de vie, occupé par des
humains et un chien.
Toute gestion du quotidien doit se faire dans l’optique de
freiner les situations tendues pour sécuriser la cohabitation
avec un chien, et encore davantage avec la proximité d’enfants.
Recommandations
Tout chien peu potentiellement représenter un danger, qui s’il
n’est pas ignoré, peut parfaitement être contrôlé dans ses
risques : rappelons que les morsures d'enfant par des chiens
représentent 2 % des accidents domestiques. C’est à la fois peu
et toujours trop !
En conséquence, on veillera à ne jamais laisser un (ou
plusieurs) enfant (s) seul(s) avec un (ou plusieurs) chien(s)
même très sociable(s). Par maladresse, l’enfant peut faire mal
ou faire peur au chien le plus placide et soulever sa vive
réaction défensive.
Dès le plus jeune âge, on apprendra à l’enfant que l’on ne va
jamais déranger un chien qui mange ou qui se repose dans son
panier (chez soi ou chez la famille et les amis).
A la maison, un chien n’a pas à supporter les tyrannies
enfantines (ça peut mal finir !), on mettra donc vite bon ordre
à toute agitation trop bruyante (cris, combats, courses et
poursuites sont à modérer absolument, idem pour les câlins et
bisous vécus souvent comme contraintes)
A l’extérieur, connu ou non, un chien mis à l’attache devant une
boutique, errant seul ou bien en laisse avec son propriétaire ne doit
pas être approché sans précaution, on conseillera donc à
l’enfant de ne jamais le caresser sans demander s'il peut le
faire.
Danièle Mirat - Caniconsultante
Texte co-rédigé avec
Michel Quertainmont
- Caniconsultant - et publié dans le magazine "Chien Mag"
N° 7
Voir
aussi: les conduites agressives liées à la nourriture
Voir
aussi: Bonheur des uns, cauchemar des autres: les balades avec un
molosse
Voir aussi: Qui a
mordu... mordra?
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