"Lui mettre
le nez dedans", n'est en rien une solution!
Lui "mettre le nez dedans", voilà bien un mouvement spontané (quand ce
conseil n’est pas donné par certains professionnels* !) chez bon
nombre de personnes excédées devant les souillures de leur chien
dans l’habitation. Ou bien aussi en découvrant la moquette, le mur,
les livres, le canapé déchiquetés, ou encore des trous dans le
jardin.
Il serait trop long d’énumérer tout ce dans
quoi on va mettre le nez de son chien, tout cela dans le but de lui faire
comprendre qu’il ne doit pas recommencer.
Or, à part faire passer sa colère sur son
animal en le brutalisant, rien de productif ne lui est pourtant proposé dans cette démarche.
* A la décharge de nombreuses personnes soucieuses de s’informer et
bien faire avec leur chien, il ne leur est pas toujours facile
de faire la part des choses entre les « bons conseils » et les
autres. On peut en effet lire tout et parfois son contraire sur
divers supports d’information. Reste que l’on peut s’interroger
sur ce qui poussera certaines, à plutôt suivre les conseils de
rudesse et brutalité sur l’animal … !
Alors que penser de la sanction comme
conséquence mauvaise d’un comportement que l’on réprouve chez
son chien ?
La sanction n’est pas productive
Avant de punir son chien, il faudrait d’abord
se demander quel est le motif du comportement que l'on lui
reproche ? Peut-être découvrira t-on alors que punir ne sera pas
une solution, car la sanction employée parce qu’on ne voit pas
d’autre moyen de faire face, risque d’avoir des effets hasardeux,
voire opposés, à ceux escomptés.
S’agissant des "malpropretés" d’un chiot,
plusieurs questions sont à se poser :
-
N’exigeons-nous pas de lui ce qu’il n’est pas encore prêt à
produire ? (ex : se retenir de trop nombreuses heures).
-
Lui avons-nous offert toutes les possibilités et facilités
d’apprendre ce que nous attendions de lui ? (ex :
disponibilité, patience, constance).
En ne procédant pas vraiment méthodiquement
pour l’acquisition de ce que nous appelons la "propreté**" d’un jeune animal, mais au
contraire en allant successivement de conseils en recettes
(bonnes pour certains profils de chiots mais pas pour d’autres)
cela sans constance ni cohérence, on risque de le faire échouer
dans ce premier et difficile apprentissage qu'il doit réaliser.
Mettre le nez du chiot dans ses
éliminations (ce qui pour lui n’est pas répugnant, donc en fait pas dissuasif !)
ne lui apprendra pas un autre comportement.
(Attention de plus au risque de
coprophagie*** chez certains chiots, qui chercheront ainsi par
peur, à dissimuler leurs propres selles).
** Le mot "propreté" étant en réalité impropre! pour parler du comportement d'élimination d'un animal...
(voir:
« propreté » du chiot)
*** absorber des déjections
S’agissant des "malpropretés" d’un adulte
il y a lieu de déterminer le type de souillure, entre
élimination naturelle, involontaire, de communication ou incontinence. Leurs motifs
étant spécifiques, ces différentes sources d’éliminations
indésirables dans la maison, ne conduiront pas aux mêmes
manières de remédier.
Pour exemple :
-
l’élimination naturelle peut être le fait d’un
chien trop longtemps retenu à l’intérieur
-
l’élimination involontaire d’un jeune adulte peut
être une pathologie qui l’entraîne à boire beaucoup (ex :
affection rénale ou diabète). Autre type d'élimination
involontaire : celle d’un chiot ou d’un chien très émotif. La
joie (et je dirais plutôt l'excitation) à l’arrivée de ses propriétaires ou de visiteurs, comme
la peur d’une sanction ou la détresse ressentie à rester seul, peuvent conduire l’animal
à ne pas se contenir
-
les éliminations dite "de communication" sont
l'expression d'un malaise social vécu par un
chien dans sa cohabitation, qui délibérément urine ou dépose des selles moulées
bien en vue dans l’habitation.
-
Même chose quand le chien de la maison « reçoit la
visite » d’un congénère (et cherche à accentuer sa présence)
ou qu’il se distingue pareillement chez des amis ou la famille
ayant un chien. Toutes ces éliminations sont expression du
malaise de l’animal dans sa relation au sein de son groupe
familial. S’impose alors une réorganisation parfois radicale
des rapports que l’on entretient avec le chien.
S’agissant de dégradations dans
l’habitation, le jardin, la voiture (souvent en l’absence des
propriétaires) il y a lieu là aussi de s’expliquer les motifs de
ces conduites. Penser qu’ainsi le chien se vengerait c’est faire
fausse route, autant que d’ajouter « d’ailleurs, il sait qu’il a
mal fait, puisqu’il détale penaud à notre retour ». Il faudrait
que l’animal puisse ressentir d’avoir « commis une faute » pour
se sentir coupable, or il reste étranger à ces notions morales
et humaines
du bien et du mal. Il détale, pour se soustraire à la colère qui
s’abat sur lui, tête basse, regard détourné et en s’aplatissant pour demander
l'apaisement et
tenter de désamorcer ainsi tout conflit.
Parce que tous ces comportements de
souillures ou dégradations du chien dans l'habitat ne sont pas identifiés comme
expressions d’incompréhension, d’inconfort, de peur,
bref de détresses plus ou moins grandes de l’animal, il n’y est
pas réagi avec indulgence par ses propriétaires.
L’anthropomorphisme barre la route de la
compréhension d’un chiot ou d’un chien qui peine pourtant à
s’adapter à ce qui lui est proposé de vivre. Ces conduites
injustement interprétées comme des mauvaises volontés, des
laisser-aller voire des vengeances du chien, mènent à vouloir
les réprimer et les sanctionner au besoin par la force, en
secouant l’animal par le cou et lui mettant « le nez dedans » !
Ce qui est productif : comprendre avant de vouloir agir
Devant toute élimination ou dégradation qui
aura été
exercée hors de votre présence, mieux vaut donc garder le
contrôle de soi-même et ne pas céder à la colère. Mettre "le nez
du chien dedans" ne changera rien à ses motifs canins légitimes
de produire et reproduire ces comportements, si l’on ne prend
pas d’abord la mesure de ce qui a pu les générer et/ou les
alimenter.
Pour toute "mauvaise conduite" du chien en votre
présence, il faudrait souvent savoir s'en détourner car la
motivation de l'animal n'était-elle pas justement de faire
réagir (!?)...
Dans tous ces cas, l’aide du Caniconsultant s’avèrera
nécessaire pour mieux lire dans la complexité des ressorts
interactionnels en jeu dans toute cohabitation de l'homme et du
chien.
Danièle Mirat - Caniconsultante
Texte publié dans le magazine Atout chien n° 236
|